ACTE 1 : Création du Parc National des Calanques le 18 avril 2012. Ce site, d’une exceptionnelle valeur, va enfin (du moins le croyions nous…) être à l’abri de toute souillure, de toute dégradation, de toute pollution, de toute nuisance.
ACTE 2 : Dans ce contexte et à la grande satisfaction de tous, la firme Altéo prend l’engagement d’arrêter ses rejets de boues rouges en mer au large de Cassis, à la fin de l’année 2015, date de la fin de la concession accordée à Péchiney en 1965 pour 50 ans.
ACTE 3 : Tout le monde croyait que l’engagement portait sur l’arrêt complet de tout rejet industriel. On avait mal compris ! Pourtant dans sa plaquette « Les As de Gardanne », numéro spécial d’octobre 2012, Altéo s’engageait sans retenue. On peut y lire, en effet : « L’usine de Gardanne s’est engagée à arrêter les résidus de bauxite en mer fin 2015. La promesse sera tenue ». En fait, la subtilité était de comprendre : l’arrêt des résidus épais.
En effet, le groupe Altéo a mis en place des filtres-presses permettant d’extraire la partie épaisse des résidus pour en faire de la « bauxaline », matériau utilisable pour divers usages, notamment dans le domaine des travaux publics et du bâtiment. Ne sachant que faire de l’eau qui sort des filtres-presses, Altéo envisage de la rejeter au même endroit au large de Cassis et par la même canalisation. Pour ce faire, suivant la législation, Altéo s’est trouvée dans l’obligation de demander son avis au Parc National des Calanques.
Or, ces effluents liquides contiennent un cocktail de produits toxiques, mais d’après Altéo leur très faible concentration leur permettrait de se disperser sans dommage dans l’immensité marine. Altéo oublie simplement que la plupart de ces poisons sont rémanents, c’est-à-dire indestructibles et qu’ils n’auront de cesse de s’accumuler dans les eaux du Parc National des Calanques.
ACTE 4 :Surprise ! Le 11 juillet 2014, le Conseil scientifique du Parc National donne son feu vert pour ces rejets ; décision pour le moins surprenante ! Il estime que le rejet futur, tel que décrit par l’industriel, ne devrait pas altérer de façon notable le milieu marin…à condition qu’un
objectif de réduction croissante des pollutions résiduelles soit imposé à Altéo.
Dans la foulée, une décision tout aussi inattendue est prise le 8 septembre 2014 par le Conseil d’Administration du Parc National. Il donne un avis favorable au rejet à Cassis des eaux polluées sortant des filtres-presses : sur 48 votants, on compte 30 pour, 16 contre et 2 nuls. Même si elle est assortie d’exigences de réduction progressive des pollutions résiduelles, c’est une décision incroyable pour un organisme dont la mission prioritaire est la défense de la nature !
La divulgation de cette décision provoqua une vive réaction dans le monde associatif, à commencer par les associations et collectifs, dont Union Calanques Littoral, présents devant le Centre des Congrès où ont délibéré les administrateurs du Parc.
ACTE 5 : Dans un communiqué de presse, en date du 19 septembre 2014, la ministre, Ségolène Royal, refuse catégoriquement d’entériner la décision du Parc National des Calanques. Elle y précise notamment :
- Les filtres-presses étant déjà opérationnels, l’entreprise doit les mettre en service sans attendre la date butoir du 31 décembre 2015.
- L’autorisation de rejets liquides ne sera pas accordée par l’Etat, malgré l’avis du Conseil d’Administration du Parc, car il faut viser un objectif zéro rejet d’arsenic et de métaux lourds en mer.
On ne peut être plus clair !
ACTE 6 : Ségolène Royal saisit, le 20 septembre 2014, la BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) pour une expertise indépendante qui devrait être rendue dans les deux mois. Elle saisit ensuite également l’ANSES (Agence Nationale de Sécurité sanitaire de l’environnement et de l’alimentation) pour évaluer, enfin, l’impact du rejet actuel !Surprise ! Le BRGM est lié à ALTEO dans le cadre d’un projet européen de valorisation des boues rouges d’un montant de 45 millions d’euros. Ce partenariat entre privé et public ne risque-t-il pas d’interférer dans l’impartialité de l’expertise ?ACTE 7 : Le 11 décembre 2014, le BRGM rend ses conclusions qui ne seront rendues publiques que le 26 mars 2015. Le 2 février 2015, l’ANSES rend ses conclusions qui ne seront portées à la connaissance du public que le 4 avril 2015.
ACTE 8 : Le 2 février 2015, à l’issue d’un travail de 3 mois, l’ANSES fait connaître ses conclusions qui sont en contradiction avec celles d’Altéo.
Les estimations de l’ANSES du risque sanitaire pour l’arsenic, le plomb et le mercure sont plus élevées que celles d’Altéo, dans l’étude d’un échantillonnage de poissons. Toujours d’après l’ANSES, le rejet des effluents liquides constituerait une source indéniable de pollution, entre autre par sa dispersion prévisible jusqu’à la côte et donc vers les plages. Des études complémentaires seraient nécessaires pour le confirmer.
ACTE 9 : Le 26 mars 2015, le rapport du BRGM est rendu public. Le BRGM, après avoir étudié un certain nombre de solutions techniques, avec leurs avantages et leurs inconvénients, précise à la fin de son rapport :
« Les conclusions des études réalisées par Altéo et qui ont conduit à retenir, parmi l’ensemble des alternatives et sous-alternatives étudiées, la solution « flitre-presse puis filtration sous pression avant rejet en mer » apparaissent donc pertinentes pour le BRGM. C’est la seule solution opérationnelle à fin 2015 qui ne remet pas en cause la continuité de l’activité industrielle. L’intégration d’une étape de traitement physico-chimique (neutralisation/décantation/filtration) pour l’élimination plus efficace des métaux (solution combinée) est une opportunité qui mériterait d’être étudiée plus en détail, mais dont la faisabilité et l’avantage environnemental ne sont pas démontrés à ce stade, avec des coûts qui restent à préciser. Les technologies de traitement des résidus solides de bauxite ou boues rouges (filtration par filtres-presses) sont bien les plus optimales pour arrêter totalement leur rejet en mer d’ici fin 2015, comme Altéo s’y était engagé ».En outre, le BRGM :
- N’ayant pas identifié de solutions permettant de supprimer totalement les effluents liquides, conclut que leur rejet en mer est donc inévitable.
- Reconnait que cette filtration ne permettant pas d’éliminer la totalité des matières en suspension, arsenic, aluminium, fer…etc… dans le filtrat, leurs teneurs résiduelles restent supérieures aux normes décrétées en 1998 à la Conférence de Barcelone.
- Le BRGM suggère à l’entreprise d’étudier la mise en œuvre de traitements complémentaires pour améliorer la qualité des eaux rejetées par l’usine, soulignant par ailleurs que ce type de traitement, relevant à ce jour du domaine de la Recherche et Développement de l’entreprise, ni sa faisabilité, ni son efficacité ne sont démontrées et qu’elle ne pourrait en tout état de cause pas être opérationnelle avant au minimum cinq ans.
Surprise ! C’est seulement le 26 mars 2015 que ce rapport, signé le 11 décembre 2014, a été porté à la connaissance du public (voir acte 7).ACTE 10 : Le 26 mars 2015 est publié un avis préfectoral d’enquête publique sur les rejets du filtrat des boues rouges. Elle est programmée du 22 avril au 5 juin 2015.
Surprise ! C’est un hydrogéologue, directeur retraité du BRGM PACA, Serge Solages, qui a été désigné comme Commissaire enquêteur (voir acte 6).ACTE 11 : Le 3 avril 2015, l’enquête publique est annulée par arrêté préfectoral. Cette annulation coïncide avec la divulgation du rapport de l’ANSES (voir Acte 7).
ACTE 12 : Le 4 avril 2015, un communiqué de la Ministre en charge de l’Environnement prend acte du rapport de l’ANSES et demande à l’entreprise Altéo de compléter les analyses sanitaires sous le contrôle de l’ANSES. En effet, le rapport met en lumière des difficultés avec les méthodes d’évaluation des risques utilisées par Altéo.
Surprise ! Par la voix de son directeur des opérations, Altéo vient de préciser « qu’il reste serein et confiant. Beaucoup de contre-vérités sont dites, nous allons les rectifier en informant par nous-mêmes … (sic) ». ACTE 13 : Nous avons appris par la presse locale (La Provence du 5 juillet 2015) que la préfecture des Bouches-du-Rhône a reporté les dates de l’enquête publique, du 17 août au 25 septembre 2015, c’est-à-dire en partie pendant les vacances estivales et la rentrée de septembre, très chargée pour tout le monde !
Ces dates paraissent tout à fait prématurées car :
- Les résultats des dernières analyses demandées par madame Royal (voir acte 12) ne sont pas encore connus.
- Le temps laissé au public, entre la parution de l’avis d’enquête et le début de l’enquête est beaucoup trop court pour pouvoir étudier et analyser sérieusement un dossier aussi volumineux et important car l’avis d’enquête officiel n’est paru que le 23 juillet dans la presse.